Années 80, à la frontière afghano-pakistanaise, une fillette pleure au milieu de cadavres carbonisés. Au milieu des années 2000, à Kaboul, celle qui est devenue conseillère de la présidence hurle contre un ministre corrompu, et part en claquant la porte. Les deux scènes pourraient inspirer un film qui raconterait l’histoire, désespérante, de l’Afghanistan de ces trente dernières années. Il décrirait une succession d’occasions manquées, de déceptions et de trahisons. Il relaterait la vie et les illusions perdues de Chékéba Hachemi, Franco-Afghane de 37 ans.
Elle dit son exaspération et sa colère dans une petite maison en fond de cour d'un quartier populaire de Paris. Elle se rappelle ces notables afghans exilés en France qui, à la fin des années 90, lui expliquaient que «non, le régime des talibans n'est pas si terrible que ça». «Pourquoi donc ne retournez-vous pas à Kaboul avec votre femme et vos filles ?» leur rétorquait-elle, sans attendre de réponse. Elle se remémore les gabegies de la reconstruction de l'Afghanistan de l'après 11 septembre 2001. Elle s'énerve contre ceux qui, en Occident, se félicitent du départ programmé des troupes étrangères en 2014. «Cette guerre n'a jamais été afghano-afghane. Elle est une réponse aux attentats de New York, et Washington et devait s'accompagner de la reconstruction du pays. Mais il n'y a rien eu. Aujourd'hui, les Afghans qui le peuvent partent à l'étranger. Ceux qui restent ne savent pas comment ils survivront. Les talib