Le grand corps malade s'est réveillé. Divisée, fatiguée et censurée, il y a quelques semaines encore, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Aung San Suu Kyi s'est lancée corps et âme dans la campagne des législatives partielles prévues pour le 1er avril. Son QG établi dans une maison d'un étage non loin de Shwedagon, la grande pagode de Rangoun, bruisse comme une ruche : on y cuisine, on y perce des trous dans les murs, on y vend des calendriers, des tasses, des tee-shirts à l'effigie de l'opposante birmane et aux couleurs - jaune et rouge- de la LND.
Dans la moiteur brassée par les ventilateurs, des militants venus de tout le pays s’interpellent, rédigent des textes. Par manque de place, certains vont débattre sur le trottoir, au vu et au su de tous. Inimaginable il y a un an. De l’autre côté de la chaussée, les «motorolas» sont toujours là : des hommes en civil installés sous l’auvent de trois tea shops écoutent leur talkie-walkie. Mais ils laissent faire et dire. Car la parole s’est libérée de la peur. Jeunes, vieux, les prisonniers politiques tout juste sortis des geôles du pays témoignent à visage découvert pour évoquer les tortures psychologiques, les intimidations ou les pressions à répétition, et relater l’enfer carcéral.
Paon. Dans les conversations, le nom de Aung San Suu Kyi revient en boucle. Oubliée l'anonyme expression «the Lady» employée pour contourner l'interdiction de nommer la Prix Nobel de la paix. Ses portraits