Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS, auteur de L'Etat en Afrique. La politique du ventre (Fayard, dernière édition en 2006), suivait de près la politique africaine de la France et l'évolution du conflit rwandais dans la période 1990-1994. Il réagit au nouveau rapport balistique présenté mardi, qui attribue aux Hutus extrémistes l'attentat contre le président hutu Habyarimana en 1994, point de départ du génocide.
Comment réagissez-vous aux conclusions du rapport d’expertise des juges Trévidic et Poux ?
Le rapport confirme sur un plan technique l’hypothèse qui était la plus logique pour un analyste politique. Depuis 1990, Habyarimana avait instrumentalisé l’offensive du Front patriotique rwandais (FPR) pour piéger l’opposition, pour l’essentiel composée de Hutus, qui s’était mobilisée dans le contexte du «Printemps africain», dans la foulée de la Conférence nationale au Bénin et du soulèvement de l’ensemble de l’Afrique francophone. Il avait particulièrement mal vécu, lors de la Conférence de La Baule, l’appel de Mitterrand à la démocratisation de l’Afrique, pour ambigu que fut celui-ci. Sous l’influence de son Etat-major particulier, Mitterrand a finalement cautionné et protégé militairement cette politique de restauration autoritaire et a été amené à couvrir des exactions de plus en plus graves.
L’engrenage était parfaitement prévisible,