Pour la première fois, Baltasar Garzón est sur le banc des accusés. «Le superjuge», rendu célèbre pour l’arrestation de l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en 1999, se voit aujourd’hui dans la peau du suspect et risque fort, selon diverses sources, entre quinze et dix-sept ans d’interdiction d’exercer en Espagne. Ce qui, étant donné son âge, 55 ans, sonnerait le glas de sa fulgurante carrière, pour l’essentiel passée à la tête du tribunal numéro 5 de l’Audience nationale, à Madrid, où il a sans relâche traqué aussi bien les terroristes d’ETA, les anciens tortionnaires latino-américains, le crime organisé que des politiciens corrompus, à droite comme à gauche.
Garzón avait été suspendu de ses fonctions en mai 2010 à titre préventif, dans l'attente de deux procès qui ont lieu d'ici à la fin du mois. Le plus attendu, lié à sa tentative avortée de juger les crimes franquistes, débutera la semaine prochaine ; l'autre s'est tenu hier matin, dans une salle d'audience du Tribunal suprême où un Garzón impavide écoutait le chef d'accusation : avoir mis sur écoute «de façon illégale» des avocats de la défense dans le cadre d'un vaste scandale de corruption, dénommé «Gürtel», qui implique des entrepreneurs et des ténors du Parti populaire, le parti de la droite et vainqueur des législatives de novembre.
«Ce n'est pas un procès, c'est un lynchage», a dénoncé le leader de la Gauche unie, Gaspar Llamazares, venu avec des dizaines de manifestants apporter son soutien