Il existe une excitation du combat. Cette violence extrême n'en reste pas moins un terrain négligé par les sciences humaines, comme le notait l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau, relevant qu'il s'agit «de la zone la plus opaque de l'activité guerrière». D'où l'importance de la publication en France, près d'un demi-siècle après sa sortie aux Etats-Unis, de ce livre inclassable sur l'expérience du front, écrit par un philosophe et traducteur d'Heidegger en anglais. «Malgré l'horreur, l'épuisement, la crasse et la haine il y a dans le fait de se soumettre avec d'autres aux hasards de la bataille quelque chose d'inoubliable qu'ils n'auraient certainement pas voulu manquer», écrit Jesse Glenn Gray.
Pionnier. A peine avait-il déposé son projet de thèse sur Hegel, qu'il se retrouva mobilisé dans l'armée américaine, envoyé en Afrique du nord puis sur le front italien, avant de devenir officier de renseignement sur le front de l'ouest, jusqu'en Allemagne.
Les historiens anglo-saxons ont consacré de nombreux travaux à la violence du combat, tels John Keegan qui en fut le pionnier, alors que leurs homologues français évitent en général cette réalité dérangeante. Dans les récits et romans de guerre on évoque la violence subie mais très rarement celle que l’on exerce.
«La guerre comprime les opposés les plus absolus dans le plus petit espace et le temps le plus court», note Hannah Arendt dans la préface de cet essai qui sortit peu avant son