«Oh putain Ramzi, t'es où ?» hurle un jeune en survêt sur son téléphone portable. Le petit groupe s'affaire autour de la banderole : «Faites gaffe les mecs à ne pas la déchirer.» Les drapeaux turcs sont partout ; des grands, dont ils s'enveloppent comme d'une cape ; des petits, agités en même temps que ceux aux couleurs de la France. Entre eux, ils parlent le plus souvent français. Ils sont nés dans l'Hexagone ou y sont arrivés tout gosses. Les jeunes sont les plus nombreux dans le cortège qui défile samedi à Paris, de Denfert au Sénat, pour protester contre la loi sanctionnant la «négation ou la minimisation outrancière» des génocides, dont le génocide arménien, qui doit être votée aujourd'hui par la Chambre haute (lire également page 23).
Boomerang.«Je vote», clament les panneaux avec une reproduction de la carte d'électeur. «Citoyens français mais avec le drapeau turc dans le cœur, assure Yilmaz Betullah, artisan à Thiers (Puy-de-Dôme). Nous voulons montrer qu'il n'y a pas que les Arméniens qui comptent en France et qu'on ne peut pas voter des textes de loi qui stigmatisent tout un peuple.» Sur les pancartes, les mots sont soigneusement pesés : «Ni haine ni vengeance, juste la vérité» ou «Laissons l'histoire aux historiens». Parfois un cri du cœur : «Mon arrière-grand-père n'était pas un assassin.» Il s'agit d'éviter tout débordement nationaliste ou négationniste qui pourrait