Il est loin, ce temps où je me baladais dans les rues du monde, brandissant avec fierté ma nationalité sénégalaise. Loin aussi ce mois de mars 2000 où, dans les pages de Jeune Afrique, j'adressais une lettre ouverte au président du nouveau siècle, dans laquelle je l'exhortais à nous sortir des carcans des siècles précédents. Ce président fraîchement et démocratiquement élu, en qui nous avions mis nos espoirs.
Que reste-t-il de cette époque où nous nous gaussions de l’image de notre pays, dans un continent où pullulaient des tyrans de toutes sortes, que nous nous permettions de juger, ne sachant pas encore que notre tour viendrait d’être la cible des désolations de nos frères africains ?
Voilà, c'est fait. «Je ne marcherai pas sur des cadavres pour aller au pouvoir», dixit maître Abdoulaye Wade. Souffrait-il alors du syndrome du président fraîchement élu ? Souffre-t-il aujourd'hui du syndrome du vieillard moribond qui n'entend plus les exhortations de son peuple ? A sa soudaine surdité, s'est ajoutée son obstination à ignorer le nombre de morts, désormais associé à sa mémoire, dont la liste s'allonge chaque jour, avec les immolations par le feu des jeunes et les tirs de la police. Après avoir soudoyé chaque membre du Conseil constitutionnel, le voilà conforté dans son désir insensé d'être chef d'Etat à vie, lui qui est de surcroît juriste. Maître Abdoulaye Wade n'a pas encore assez de cadavres pour tapisser son chemin vers le palais présidentiel. Il lui en fau