On dirait qu'ils se disputent le quartier. Les obus et les roquettes qui fouillent, dès l'aube, rues et ruelles les unes après les autres. Les détritus qui s'entassent partout, ne négligeant aucune artère. La pluie glacée, qui n'arrête pas, et vient rajouter de la douleur à la douleur, mêlant la boue à l'ordure, faisant déraper les rares et intrépides voitures qui se risquent sous l'orage d'acier. Et, au-dessus du quartier fantôme, les vautours des tours, le fusil à lunette aux aguets, prêts à tirer sur chaque ombre, même la plus fugitive, même sur le chat qui traverse la rue. Pour son malheur, Bab Amro est entouré par de hauts immeubles. «Le temps que l'on repère le sniper, que l'on découvre à quel étage il est, on est mort», résume Wael, un étudiant qui a préféré quitter la tour où il habitait quand les tueurs au fusil sont venus s'installer.
6 heures du matin. Ce sont les chars qui commencent à tirer. Une heure après, les roquettes prennent le relais. Elles vont et viennent, s’éloignent, puis se rapprochent et s’installent. Il faudra attendre le soir pour qu’elles se taisent, pour que les vitres arrêtent de trembler. La nuit, des fous s’en vont au volant de voitures déglinguées, tous feux éteints et le pied au plancher, repérant la route défoncée aux flaques d’eau qui captent des reflets d’étoile. Au péril de leur vie, poursuivis par le stacatto d’armes automatiques, ils vont chercher quelques provisions dans les quartiers voisins. Pas d’autre choix. Le quartier c