Il a surgi de nulle part, comme une apparition. Au guidon de son vélo noir, le petit homme coiffé d’un chapeau de paille semble parachuté dans une immensité de béton et de bitume. Il arrive tout sourire, sous un soleil de plomb, pour vendre du thé aux gens de passage. Et le cocasse vire à l’absurde. Car on a beau se tourner et se retourner sur la Friend of King Avenue, aucun badaud sur les larges trottoirs en pierre rouge et pas plus de promeneur égaré à l’horizon. Seuls une poignée de deux-roues pétaradants, de camions et de berlines fatiguées déboulent sur la plus large avenue de Naypyidaw, la nouvelle capitale de la Birmanie.
Sur cette deux fois neuf-voies, les autos ressemblent à des boîtes d’allumettes et les motos à des têtes d’épingle dont le bruit des moteurs s’évanouit dans la vacuité tropicale. Le lendemain, on croise un buffle las tirant une charrette de foin au milieu des hôtels grand luxe, pour la plupart vides. Avant d’assister au passage des échappés du jour : cinq bicyclettes d’un autre temps chargées de fagots de bois glissent en file indienne devant le très clinquant musée des pierres précieuses.
Esprits bouddhistes
A Naypyidaw, il faut souvent se pincer ou se frotter les yeux pour ne pas perdre pied. Une visite de la ville a tout de l’excursion dans un décor de cinéma déserté par les comédiens et les techniciens. Une immersion dans un Far West architectural où la grandiloquence le dispute à l’extravagance, où l’espace agricole est métastasé par des excroissances urbaines sans v