Dans son petit deux pièces d'un immeuble typiquement soviétique dont la cage d'escalier malodorante mériterait un coup de peinture, Irina, une bibliothécaire retraitée pour invalidité de 58 ans, referme la porte derrière le passage d'Olga, l'assistante sociale. Cette fois, celle-ci n'est pas venue lui apporter des médicaments, mais lui expliquer qu'on lui donnerait une urne pour voter à domicile lors de la présidentielle du 4 mars, pour laquelle le Premier ministre, Vladimir Poutine, part favori. Irina a dit à Olga, une femme énergique presque aussi âgée qu'elle, que, malgré ses douleurs aux jambes, elle ferait l'effort de se déplacer jusqu'au bureau de vote. Mais Olga lui a fait savoir qu'elle doit déposer son bulletin dans l'urne des malades, sinon elle, pauvre Olga, perdra son emploi. «J'ai cédé. Mais je sais que c'est une technique pour bourrer les urnes», dit Irina.
«Crèmes». Le 4 février, une employée de ce centre d'aide sociale avait appelé Irina afin de l'inviter à prendre les autobus mis à disposition pour aller manifester en faveur de Poutine, qui brigue un troisième mandat. «J'ai dit : "Vous payez combien ?" Elle m'a dit que nous aurions des crèmes pour la peau. J'ai ri. De toute façon, je ne voulais pas y aller. Les employés du centre, eux, je crois qu'ils n'ont pas vraiment le choix.» Irina a voté Poutine lors de ses deux premiers mandats. «Après les esclandres alcoolisés de Boris Eltsine, il apportait la stabilité et était