Le Président n’a pas encore fait son apparition. Il est déjà 10 heures du matin, mais il reste retranché dans la pièce qui lui sert de chambre dans cette maison de province, à Bembay, à une centaine de kilomètres à l’est de Dakar, où il a passé la nuit, lors d’une étape improvisée de la campagne électorale. Elle doit s’achever dimanche et désignera, peut-être dès le premier tour, l’homme qui dirigera le Sénégal pour les sept prochaines années. Candidat pour un troisième mandat présidentiel, Abdoulaye Wade sillonne le pays à un rythme d’enfer.
Et ils sont toujours là, à ses côtés : des hommes en gandoura assis ce matin-là en tailleur sur des canapés en skaï, leurs plus proches fidèles prosternés à leurs pieds. Ce sont des marabouts qui accompagnent partout le chef de l'Etat, attendant son réveil dans ce salon qui ressemble à l'antichambre de la cour d'un roi. Dans cette étrange ambiance, seul l'immense écran plasma posé contre un mur rappelle le XXIe siècle. Visages impassibles, les marabouts ne parlent pas et entretiennent le mystère qui entoure les représentants du sacré. «Ils appartiennent à la confrérie mouride, ils prient pour le Président», chuchote en les observant de loin Brice, un jeune garde du corps qui, lui, appartient à la minorité catholique du pays.
«Colonisateurs». Au Sénégal, où les musulmans représentent 90% de la population, le pouvoir a toujours courtisé les autorités religieuses. Surtout en période électorale, où l'influ