L’opposition russe a des têtes pensantes et une stratégie. Dans ce petit réseau, essentiellement moscovite, d’enfants de l’après-communisme devenus entrepreneurs, journalistes, architectes, avocats ou médecins, dans cette nouvelle classe moyenne dont les figures de proue sont sorties des mêmes écoles et fréquentent les mêmes bistros, il y a une vision des prochaines étapes à franchir.
Bien que les fraudes de dimanche aient été massives, l’opposition ne veut pas s’enferrer dans une longue et vaine contestation de la présidentielle. Elle savait que, dès la semaine dernière, des résultats précis avaient été assignés à l’appareil d’Etat. Elle les connaissait souvent car la peur a tant reculé que des jeunes fonctionnaires la renseignent. Elle savait que ces chiffres n’étaient pas les mêmes pour les villes et les campagnes, pour les régions centrales et éloignées. Elle savait que la consigne était de ne pas bourrer les urnes mais de modifier les résultats au fur et à mesure de leur centralisation et de déplacer des électeurs rémunérés ou intimidés vers les bureaux de vote les plus difficiles pour le pouvoir.
D’où les manifestations de protestation prévues dès avant dimanche et qui ont gagné, lundi, Nijni Novgorod, mais aux yeux des stratèges de l’opposition, l’essentiel n’est pas là. Outre qu’ils savent que, fraude ou pas, Vladimir Poutine a une base dans les campagnes et les villes industrielles en faillite, dans cette Russie dont la misère est bien trop grande pour qu’elle veuille