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Libération

La société nippone paie la fracture

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Opacité nucléaire, classe politique discréditée, la catastrophe a mis en lumière tabous et tensions.
Une carcasse de voiture est extirpée des ruines de la ville de Rikuzentakata, au Japon, le 4 avril 2011. (Photo Kazuhiro Nogi. AFP)
publié le 9 mars 2012 à 0h00

«Rupture»,«fêlure» et «tension» : les mots reviennent en boucle dans les commentaires et les conversations. Mais ils n'ont rien à voir avec la tectonique des plaques qui ravage le Japon depuis des siècles. Ce sont les récents soubresauts au sein de la société nippone qu'ils désignent. Car depuis le 11 mars 2011, celle-ci est parcourue de lignes de fracture comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale quand le Japon a été défait par le feu nucléaire à Hiroshima et Nagasaki. «Cette tragédie a fait surgir la différence entre les régions, les générations et les vécus de l'histoire japonaise, note la traductrice et poétesse Ryoko Sekiguchi. Car le Japon n'existe pas, il est multiple.»

Au lendemain du 11 mars, face à l'ampleur des défis à relever, on a cru que la triple catastrophe - séisme, tsunami, accident nucléaire - allait ressouder la nation. «Dans les faits, on n'a pas assisté à une grande commotion nationale avec les sinistrés, et pas seulement en raison de la peur de la radioactivité», remarque Jean-Marie Bouissou, directeur de recherche à Sciences-Po. Spécialiste du Japon contemporain, il dresse le portrait d'un archipel aujourd'hui touché par une «grave crise de délégitimation».

Celle-ci frappe d'abord de plein fouet toute la classe politique. Déjà fort peu appréciée, elle est accusée d'avoir menti sur l'ampleur de la catastrophe et critiqué pour la gestion chaotique de l'après-tsunami. Durant cett