Campagne électorale oblige, l'immigré en France est à nouveau montré du doigt, désigné comme l'ennemi, l'envahisseur ; s'agissant d'hommes, femmes et enfants venus de pays pauvres, et voilà la politique qui s'emballe et effraie la population dite «de souche». Spécialiste de la démographie mondiale et donc de la question des flux migratoires, Hervé Le Bras (1) explique dans deux ouvrages passionnants - l'Invention de l'immigré (éditions de l'Aube) et Vie et mort de la population mondiale (Ed. du Pommier et de la Cité des sciences de la Villette) - comment, au fil des siècles, s'est installée la peur de l'étranger.
Une peur fondée d’abord sur la fécondité de l’autre, puis sur sa race, prétendument prédatrice. De même, une terreur vieille comme le monde est entretenue autour de l’idée d’un suicide collectif de la planète, qui serait bientôt incapable de nourrir une population en croissance délirante. Faux, répond Le Bras, chiffres à l’appui.
Vous expliquez qu’il y a une différence entre immigrant et immigré, quelle est-elle et quand est-elle apparue ?
Immigré est passif, immigrant est actif. Dans les textes de l'entre-deux-guerres, l'immigré est traité négativement tandis que l'immigrant est connoté positivement. L'immigré est une chose, l'immigrant un travailleur. Mais le meilleur terme est réservé aux étrangers qui deviennent agriculteurs : ils sont qualifiés de «colons». Parce qu'ils démarrent au bas de l'échelle sociale qui conduit le paysan à l'usine puis l'ouvrier aux classes moyennes. Les colons ne court-circuitent pas l'ascension sociale contrairement aux