Leurs pères, harkis, sont depuis cinquante ans englués dans la dépression météorologique de la mémoire collective, ce pot-au-noir de la nation qui les a fixés dans l'insoutenable pose des «supplétifs» de l'armée française en Algérie. Mais eux, les enfants grandis en France, que sont-ils devenus ? Quel est donc leur sentiment ou leur ressentiment pour cette République qui, à l'été 1962, a abandonné à la vengeance des vainqueurs en Algérie ceux qui l'avaient servie, ou bien les a parqués dans des camps en France ? Lors de sa campagne en 2007, Nicolas Sarkozy avait promis «de reconnaître officiellement la responsabilité de la France» dans leur sort dramatique, et avait fait miroiter des «réparations». Que pensent-ils des «excuses» formulées in extremis, la semaine dernière à Nice, par le Président à nouveau en campagne ? Des fils et filles de harkis répondent. Avec douleur, et bonheur aussi.
Rachid Guemriren, 61 ans, ancien cheminot dans le Doubs puis ouvrier en usine à Laudun-l'Ardoise, dans le Gard, est arrivé avec ses parents à Rivesaltes, en 1963. «Une vie horrible car mon père, horloger, était parti de Kabylie parce qu'il ne voulait pas payer l'"impôt" exigé par le FLN. Il s'est plaint auprès d'un responsable nationaliste mais les sommes demandées augmentaient à chaque fois. Il s'est alors engagé comme harki dans l'armée française, début 1962. On vivait sous les insultes. Une fois en France, rebelote, cette fois avec les militaires qui nous on