Il y a des jours où j’aimerais m’appeler Paul Auster. Non pas que naître aux Etats-Unis (ni même à New York, qui, comme on sait, n’est quasiment pas les Etats-Unis) m’intéresse ou m’aurait plu, même si je pense que, comme Paul Auster, j’aurais aimé passer quelques années à Paris, dans ces années où pour un écrivain Paris peut être une fête : l’époque où la Ville Lumière, comme on l’appelle vulgairement, est le meilleur endroit du monde pour un apprenti- romancier. Et cela, en dépit de ses ciels gris, son métro sale, ses serveurs agressifs, ordinaire plus que compensé par ses musées merveilleux, ses bâtiments, ses croissants.
Quand je pense que j'aimerais m'appeler Paul Auster, c'est pour des raisons qui n'ont pas même à voir avec les prix, la gloire, l'argent. Je ne nie pourtant pas que j'aurais aimé (énormément, en fait), écrire par exemple la Trilogie new-yorkaise,Brooklyn Follies,Smoke. Mais j'aimerais d'abord être Paul Auster pour que, lorsqu'ils m'interrogent, les journalistes me demandent ce qu'ils ont l'habitude de demander à des écrivains comme Paul Auster, et qu'ils ne me demandent presque jamais à moi.
Je trouverais curieux qu'on interroge un homme comme Paul Auster sur les objectifs de l'économie américaine, qu'on veuille savoir pourquoi il est resté dans son pays pendant les regrettables années du gouvernement Bush Jr. Nul n'insiste pour lui demander toujours, toujours, ce qu'il pense de la prison de Guantánamo,