Ce matin, Beate Klarsfeld arrive toute guillerette au siège de l’association des fils et filles de déportés juifs de France, la Süddeutsche Zeitung à la main. Une photo montre les travaux en cours sous la coupole du Reichstag. 1240 grands électeurs s’y réunissent ce dimanche pour désigner le nouveau président allemand. Du doigt, Beate désigne à son mari Serge la travée où elle doit siéger avec le parti d’extrême gauche Die Linke. Grande électrice, mais surtout candidate à la magistrature suprême de son pays natal. A 73 ans, c’est son dernier coup d’éclat, elle qui les collectionne depuis quatre décennies dans le rôle de «chasseuse de nazis». Tollé, ricanements, soupirs attristés ont accueilli la nouvelle outre-Rhin : une sioniste sarkozyste au service des néocommunistes pro-Palestiniens de l’ex-RDA. Le summum du grand écart, mais Beate s’en bat l’œil. Bien résolue à ne pas se laisser gâcher cette journée «formidable», «un accomplissement» pour la petite dactylo qui fuyait l’Allemagne en 1960 en rêvant d’une vie moins étriquée.
La vie l'a servie. Beate Klarsfeld peut dire sans rougir : «Je n'ai pas vécu pour rien». Son couple est une légende, sa biographie une épopée. A 33 ans, elle pouvait déjà publier 500 pages de mémoires pour expliquer que «partout, où ils seront», elle, une Allemande non-juive, pourchasserait «ceux qui sont la honte, la tache de [son] pays». De Cologne à Damas, en passant par La Paz et Asuncion, elle a donc traqué