En lisant le De Gaulle de Jean Lacouture, j'ai appris que plusieurs membres de la délégation française qui négociaient à Evian, Louis Joxe en particulier, ont ferraillé, jusqu'aux limites de la rupture, avec leurs interlocuteurs algériens pour obtenir des garanties qui auraient permis aux pieds-noirs de demeurer dans l'Algérie indépendante. A l'époque, nous ne l'avons pas su. L'aurions-nous su que cela n'aurait rien changé à l'exode massif qui a eu lieu quelques semaines plus tard. Car les Européens d'Algérie étaient convaincus dans leur ensemble que l'indépendance entraînerait automatiquement leur départ. L'engrenage des événements avait été tel qu'ils ne pouvaient pas penser autrement.
Avaient-ils tort ? On peut rêver rétrospectivement d’une conclusion idyllique où tous les fils de cette terre auraient construit, main dans la main, un pays de concorde et de soleil. Mais sur le moment leur réaction était la bonne.
Si, à Evian, Louis Joxe se battait pour eux, à Paris, de Gaulle tempêtait et sommait son négociateur de cesser de pinailler. Il fallait conclure vite, se dégager du bourbier algérien, à n’importe quelle condition. Le vieux cynique avait raison : les dispositions qui figureraient dans le document final n’avaient aucune importance. Les accords d’Evian signifiaient que l’Algérie était indépendante et que la France se retirait. Rien d’autre.
Imagine-t-on, même aujourd’hui, les Français d’Algérie épluchant les accords comme un contrat d’assurance et déposant des