Ce matin-là, en entendant le grondement du tonnerre qui déchirait le ciel, Mohamadou Bamba Diop s'est senti heureux : «Voilà cinq ans qu'il n'a pas plu avant le mois d'août ! Pour nous c'est une bénédiction.» Pourtant, dans la maison de Bamba, comme dans tout son quartier, cette pluie inattendue a pour premier effet de rappeler l'extrême précarité dans laquelle vivent la plupart des habitants de Thiès. Située à 70 km de Dakar, cette petite ville sans immeuble évoque un décor de Far West. Sous la pluie, elle semble soudain si triste, si fragile. L'eau s'infiltre à travers les fissures des murs et des toitures, transforme vite les routes mal entretenues en torrents de boue, laquelle se répand sur les trottoirs défoncés. Mais pour Bamba, comme pour tous les albinos, rien n'est plus dangereux que l'impitoyable soleil africain.
Le monde est parfois mal fichu : en Afrique, on compte un albinos sur 4 000 naissances, alors que le ratio est évalué à 20 000 naissances dans le reste du monde. Et comme une malédiction supplémentaire, la pauvreté chronique de la plupart des pays du continent renforce la vulnérabilité de ces Africains à la peau diaphane. «Sans crème solaire à indice très puissant, nous sommes condamnés au cancer de la peau. Or ces crèmes sont introuvables au Sénégal. Il faut les importer, ça coûte très cher. Nous avons aussi besoin de soins constants pour nos yeux, notre peau. Mais ici les hôpitaux sont dépourvus de tout», déplore Bamba qui a déjà vu mour