Foulard bleu sur la tête, le tissu traditionnel du Rif (rayé rouge et blanc) autour des hanches, Zohra ouvre la porte d’un salon aux murs peints en rose. Elle habite le hameau poussiéreux de Krimda, un amas de maisons sans eau courante en contrebas de la nationale qui mène à Tanger. Elle nous attendait. Pour parler encore et encore de sa fille, Amina Filali, morte à 16 ans. Peut-être violée, sans doute battue, en tout cas contrainte de se marier un an auparavant. Le 10 mars, Amina a fini par se suicider en ingurgitant de la mort-aux-rats.
Ce drame sordide a ébranlé le Maroc, choqué de découvrir une réalité rarement évoquée dans les médias : celle de mœurs très conservatrices qui provoquent quotidiennement des tragédies. Depuis, Zohra, la mère d’Amina, ne cesse de raconter la même histoire. Comme pour mieux répondre aux attaques et aux différentes versions qui circulent sur cette affaire.
Un code pénal datant de 1962
Le mari d'Amina, Mustapha, de dix ans son aîné, conteste en effet avoir violé et battu la jeune femme. Leur relation était consentie, assure-t-il. Une ligne de défense qui provoque la colère et les sanglots de Zohra. Sa fille manquait l'école, raconte-t-elle. Partie à sa recherche, elle dit l'avoir surprise avec un homme, Mustapha. Un certificat de perte de virginité à l'appui, elle a exigé qu'il épouse sa fille en décembre dernier et obtenu du juge une dérogation pour autoriser le mariage d'Amina, alors mineure. Malgré le viol présumé. «La marier, c'était la seule solution, martèle-t