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Libération
Récit

Colombie : la terreur des sans-terre

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Depuis 2006, au moins 70 leaders paysans ont été assassinés alors qu’ils réclamaient la restitution de millions d’hectares volés par les paramilitaires dans les années 90.
publié le 25 avril 2012 à 19h36

Le corps torturé de Manuel Ruiz a été découvert il y a un mois, en milieu d’après-midi, dans les eaux boueuses du Pavarandó. Ses voisins ont dû continuer les recherches en aval jusqu’au lendemain avant de retrouver le cadavre de son fils de 15 ans, dans le large Río Sucio, dont les méandres trouent la forêt tropicale de l’Urabá, dans le nord-ouest de la Colombie.

Manuel Ruiz aurait dû participer, le lendemain de sa disparition, à une inspection de terres avec les autorités, pour aider à déterminer celles qui avaient été spoliées par les escadrons de la mort. A la fin des années 90, au nom de la lutte contre les guérillas marxistes, les paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC) avaient en effet vidé l’Urabá en décapitant et en éventrant les villageois, puis livré les terrains à des agro-industriels de palmiers à huile.

Hold-up. Revenu depuis avec une poignée de paysans têtus, Ruiz voulait enfin récupérer la pleine propriété de ses terres, et était considéré par ses compagnons comme leur «mémoire vivante». Mais son nom s'est finalement ajouté à la liste de plus de 70 dirigeants paysans assassinés depuis 2006 par les héritiers des AUC - aujourd'hui officiellement démobilisées. Le meurtre, attribué à la nouvelle faction des Aguilas Negras, montre l'étendue du chantier que mène le président libéral, Juan Manuel Santos, confronté aux violences extrémistes. Selon le rapport annuel du Comité international de la Croix-Rouge, 138 cas de «dispa