Dans Essential Killing, le thriller du réalisateur polonais Jerzy Skolimowski, un rebelle afghan capturé dans ses montagnes est transféré dans une prison secrète. Il s'échappe et se retrouve dans un paysage rappelant la région des lacs et forêts de Mazurie, dans le nord de la Pologne. Tout le monde sait aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'une fiction. C'est ici que la CIA a débarqué des prisonniers soupçonnés d'activités islamistes au début des années 2000.
Le quotidien Gazeta Wyborcza vient de révéler que l'ex-chef des services de renseignements Zbigniew Siemiatkowski a été inculpé pour avoir violé le droit international «en détenant illégalement» des prisonniers de guerre et en les «soumettant à de mauvais traitements corporels». Selon le parquet de Cracovie, 62 personnes ont déjà été interrogées dans cette affaire. Les avocats d'Abou Zoubaydah, un proche de Ben Laden emprisonné à Guantánamo, ont loué les efforts des magistrats. En 2010, la justice polonaise avait demandé en vain aux autorités américaines de pouvoir accéder, à Guantánamo, à d'anciens prisonniers torturés, qui ont reçu en Pologne le statut de victimes. Pour de nombreux analystes, l'affaire en est à un tournant. «Plus personne ne nie l'existence des prisons de la CIA. Des hommes politiques avaient même affirmé il y a quelques années que les officiers de la CIA repérés passaient des vacances dans la région», souligne Adam Bodnar, de la fondation Helsinki de défense de