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Libération
EDITORIAL

Fabrique

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publié le 22 mai 2012 à 20h56

D’aussi loin que remonte le fil de l’histoire, l’Egypte fut toujours plus qu’un royaume, une nation ou un Etat bâti autour d’un fleuve et d’une mystique. Ce fut une matrice, une grande «fabrique» dont le rayonnement et l’influence furent le premier destin. Au siècle dernier, d’un pas de deux fiévreux, Nasser et Oum Kalsoum avaient propagé le mythe du panarabisme. Le Caire, sa langue, sa musique, son cinéma, sa politique ont un temps irradié, comme une utopie, de l’Atlantique au Golfe. Si le monde arabe observe aujourd’hui, avec tant d’attention inquiète, le sort incertain du «printemps démocratique» dans le plus grand des pays arabes, c’est qu’il continue de se jouer là-bas plus que l’avenir de 80 millions d’Egyptiens. Libéraux et démocrates se félicitent de cette liberté de parole qui règne désormais, pour la première fois, sur les rives du Nil. La rapidité des divisions qui n’ont pas manqué de submerger les Frères musulmans à la minute même où ils quittèrent le registre protestataire constitue un autre signe encourageant. Mais l’angélisme n’est pas de saison. La «fabrique égyptienne» charrie des périls explosifs. La tentation du repli sectaire portée par les salafistes, la faiblesse d’institutions qui furent trop longtemps dévoyées, la misère et l’exaspération d’un peuple épuisé, l’absence de vision, enfin, de militaires obsédés par la défense cynique de leurs prébendes, tout incite à l’extrême vigilance. Sans un compromis dont on peine à voir l’émergence, c’est la violenc