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Interview

«Les étudiants sont les premières victimes d’une révolution culturelle»

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Le sociologue Eric Martin dénonce la logique néolibérale du gouvernement québécois, qui compte rendre payants les services publics dans tous les secteurs :
publié le 22 mai 2012 à 22h56

Eric Martin est chercheur à l’Institut de recherche et d’information sociologique de Montréal (Iris). Il explique pourquoi la question de la hausse des droits de scolarité a donné naissance à un mouvement social d’une ampleur quasi inédite au Québec.

Cette hausse des droits d’inscription à l’université n’est pas la première, pourquoi a-t-elle déclenché ce mouvement ?

Les étudiants se sont toujours battus contre l'augmentation des frais de scolarité. Mais, cette fois, ils ont senti que cela s'inscrit, au Canada, dans un contexte d'augmentation assez fulgurante des frais. Les étudiants voient la logique d'endettement, qui augmente de façon significative. La moyenne, dans les autres provinces du Canada, de la dette d'un étudiant après ses études est de 25 000 ou de 30 000 dollars canadiens [19 000 à 23 000 euros, ndlr]. Au Québec, c'est 15 000 dollars canadiens pour le moment. On endette une génération entière, mais pour des bénéfices illusoires. Les jeunes savent très bien que la situation économique ne leur est pas favorable.

Pourtant, le chômage reste relativement stable au Québec (autour de 8%), les jeunes Québécois ne sont pas confrontés à un phénomène de masse. Comment expliquer leurs craintes ?

La social-démocratie québécoise a longtemps été épargnée par une offensive néolibérale de fond. Bien sûr, il y a eu des politiques d'austérité. On n'a pas été le parfait village d'Astérix. Mais on sent que ça change. Depuis le début de la grève étudiante, le gouvernement parle d'une «révolution culturelle» dans la façon de voir les services publics. Il faut maintenant s'habituer à payer. C'est la mise en place d'une logique d'utilisateur-payeur. C'est vrai que le Canada a aussi été relativement épargné par la logique financière des banques, contrairement