Ils sont des milliers à l'attendre depuis le matin. Des femmes aux joues poudrées de tanaka brandissent des portraits de la Dame de Rangoun, Aung San Suu Kyi, et de son père, le héros de l'indépendance birmane, Aung San. Des hommes en sarong, une rose à la main, chantent ou hurlent «Daw Suu» («madame Suu»). Compressés dans une ruelle de Mahachai, une ville au bord du golfe de Thaïlande dont les nombreuses usines emploient des dizaines de milliers de Birmans, ils ont pris leur journée pour apercevoir leur héroïne, celle dont ils entendent parler depuis un quart de siècle mais qu'ils n'ont jamais vue puisqu'elle n'avait pas quitté son pays depuis 1988.
«Ici, tout le monde l'aime. Elle est un peu comme notre mère. Nous sommes très contents qu'elle ait pu sortir du pays», explique, émue, Zarchi Htike, interprète. Les drapeaux birmans et les fanions de la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi, flottent au-dessus de la foule. Un ado, le front ceint d'un bandana, arbore une pancarte : «Quand va-t-on pouvoir rentrer au pays ?» Ye Myint, ouvrier dans une usine de transformation de produits de la mer, s'enthousiasme :«Je suis birman, mais je n'ai jamais vu Aung San Suu Kyi. Pour moi, elle est comme une déesse.»
Cohue. Quand le cortège entourant la Dame de Rangoun arrive, la cohue s'amplifie. Les policiers thaïlandais sont débordés. Aung San Suu Kyi, vêtue d'un chemisier à fleurs et d'un foulard blanc, apparaî