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Libération
TRIBUNE

Le crime a eu lieu à Beyrouth

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publié le 31 mai 2012 à 19h06

Ce matin du 2 juin 2005, Beyrouth respirait encore son «printemps» : l'intifada contre le régime de Damas avait triomphé, la troupe syrienne était partie pitoyablement, les politiciens libanais n'avaient pas encore confisqué et trahi la «révolution du cèdre» et, quelques jours auparavant, Samir Kassir m'avait confié qu'il ne s'était jamais senti aussi libre et que la peur, cette peur avec laquelle il avait dû vivre pendant plusieurs années quand des voyous tout de noir vêtus le filaient jour et nuit, n'était plus de saison ; il venait d'ailleurs de remercier son garde du corps. Ce matin du 2 juin, nous devions parler d'autre chose que de politique. Plutôt de littérature, des jolies filles ou du délicieux printemps. Nous avions rendez-vous à 10 heures dans un petit café près de son domicile. Un contretemps m'a fait annuler au dernier moment notre rendez-vous. Samir est donc sorti de chez lui. Il n'a pas vu le tueur qui l'attendait à quelques mètres de là, caché derrière un 4X4, et qui a actionné sa télécommande quand il est monté dans sa voiture. La bombe l'a foudroyé à son volant. Il avait 45 ans.

Six ans après, nous ne savons toujours rien de ceux qui ont commandité et exécuté l'attentat contre l'intellectuel sans doute le plus prometteur du monde arabe. Samir n'était pas seulement un éditorialiste prophétique, un bel historien, un professeur adulé par ses élèves et