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Libération

Défense d’y voir

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publié le 1er juin 2012 à 19h07

Le cynisme publicitaire pourrait s’emparer de cette photographie et en faire le leitmotiv d’une campagne pour l’extension des téléphones portables à des territoires encore vierges. On imagine hélas le slogan : «T’es où, dis voir ?» «A Abidjan.» De fait, cette image, prise lors de l’investiture du président Alassane Ouattara, pose à son insu la question de la place du photographe et de sa décision de se ruer sur un cliché lourdement signifiant où le symbole hurle au marketing.

Lui, aussi, cet Ivoirien, comme des milliards d’êtres humains, a rejoint le club interplanétaire du (coup de) fil à la patte. Il est connecté, relié, mais à quoi au juste ? Au progrès assurément, si tant est que ledit progrès ait ici une quelconque connotation progressiste.

Le pessimisme raisonnable et méthodique inspire que cet homme est la victime d'un nouveau colonialisme plus invisible que l'ancien mais pas moins aliénant. Il suffit de se demander combien coûte un portable à Abidjan au marché de Treichville ? Notre reportage (Libération du 29 mai) répond : 24 euros et environ 1,5 euro pour une carte SIM. «Pas cher !» doit se dire n'importe quel Occidental, prêt du coup à sauter dans le premier vol low-cost pour aller remplir son sac à dos.

Pour évaluer ce soi-disant bon marché, il suffit de rappeler qu’en Côte-d’Ivoire, le Produit intérieur brut par habitant est de 3,4 euros par jour. Mais les accrocs (épaule gauche) sur la tunique de ce monsieur le disent tout autant. Branché en ha