Au mois de mars, l’air est sec, froid et souvent d’un bleu très dru à 900 mètres d’altitude à Adrar, un petit village de Kabylie, au nord-est de Tizi-Ouzou, en Algérie. A Adrar il n’y a rien, mis à part des locaux commerciaux qui n’ont jamais ouverts mais le gaz de ville et l’éclairage public sont pour bientôt. Quand le temps est dégagé, on peut voir la mer et la baie d’Azeffoun.
Le 18 mars dernier, aux alentours de 19 h 30, l'alerte est donnée dans tout Adrar. Le jeune Mohamed Douzen, onze ans, élève de 5e (l'équivalent du CM2), dernier d'une famille de treize enfants, a disparu. Ce soir-là les choses n'allaient pas comme d'habitude. Le petit Mohamed avait tourné autour de ses sœurs dans l'après-midi comme une guêpe, les sollicitant pour un câlin, pour un oui pour un non, se pelotonnant comme un chat sur leur lit, leur demandant avec insistance ce qu'elles étaient en train de faire.
Arezki, agent de l'autorité villageoise, se souvient ce soir-là, quand la nouvelle de la mort du petit Mohamed est tombée, du vacarme de chaises, de pieds, et de tabourets renversés. Mohamed était encore une heure auparavant dans les jambes de sa mère partie «chercher des légumes chez la voisine», raconte-t-il. C'est le frère aîné de Mohamed, Makhlouf, maçon comme son père, qui a retrouvé le petit pendu accroché avec un nœud coulant à la branche noueuse d'un olivier sur la parcelle du voisin, distante de trois cents mètres de la maison familiale. Le petit avait pris l'habitude