Ahmed Salah s’est mis sur son trente et un, costume deux-pièces et cravate élégante dont la teinte vermillon fait ressortir sa barbe noire en collier. Il a rendez-vous avec les patrons de l’usine de céramique qui l’emploient pour tenter de trouver un compromis à la grève générale démarrée il y a plus de quinze jours. D’un débit rapide, il raconte ses tentatives de fonder le premier syndicat d’une compagnie privée en Egypte, sa lutte pour les droits de ses collègues. Outre la défense des travailleurs, Ahmed est aussi un salafiste convaincu. Un engagement religieux dans l’un des courants de l’islam le plus rigoriste qu’il estime être
«la chose la plus naturelle pour les musulmans».
Ici, à Suez, l’une des principales villes industrielles du pays, l’aspiration à un changement politique se mêle étroitement aux préoccupations sociales et religieuses. Pendant la révolution, la confrontation entre manifestants et forces de l’ordre y a été particulièrement féroce, faisant une vingtaine de victimes parmi les révoltés. Et lorsque les habitants du gouvernorat ont été appelés aux urnes, que ce soit pour les législatives à la fin de l’année dernière ou pour le premier tour de la présidentielle, c’est aux islamistes qu’ils ont accordé leur confiance.
Bas-côté. Le parti salafiste Al-Nour a réalisé à Suez son meilleur score de tout le pays, avec 45% des votes en sa faveur, et le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, est arrivé en tête, bien placé pour aborder