D’un homme dont les portraits recouvrent toute l’étendue du territoire, on pouvait s’attendre à une épuisante mégalomanie, à la manière d’un Saddam Hussein. Pas du tout. Hafez el-Assad faisait partie du cercle restreint des tyrans qui dédaignent les ors des palais, préférant capter l’ombre et maîtriser les sphères invisibles du pouvoir. Il fut un dictateur modeste et austère. Et c’est dans cette modestie et cette ombre qu’il dissimulait ses ambitions. Des ambitions que Damas n’avait plus connues depuis des siècles. Et sans lesquelles la Syrie, pays pauvre, sans grandes ressources et peuplé de seulement 15 millions d’habitants, compterait peu. Mais des ambitions qui, à l’heure des bilans, masquent mal une succession d’échecs qui pèseront très lourd sur l’avenir.
Pour comprendre l'extraordinaire destinée du défunt, il faut remonter bien au-delà de son enfance. Lorsqu'un chef arabe prend le pouvoir, il n'apporte pas seulement avec lui son histoire personnelle ou familiale. Il vient aussi avec celle de son clan ou de sa confrérie. En s'emparant du pouvoir en 1970, Assad a apporté les peurs et les espoirs des alaouites. Rameau de l'islam chiite, baigné de syncrétisme, cette secte fondée au IXe siècle a une histoire lourde de persécutions et de massacres. En 1953, lorsqu'une jacquerie éclate à Hama, les sunnites de la ville se vengent encore en attachant les paysans alaouites aux queues des chevaux. Comme en Irak, l'armée est une des rares possibilités pour les