Le militaire ouvre consciencieusement la trentaine de paquets de nouilles chinoises qui tombent pêle-mêle, saveurs poulet ou légumes, au fond du sac plastique. Puis il éventre les demi-baguettes, vérifie que rien n'y est caché. «Je vous fais un sandwich au fromage ?» plaisante-t-il. Aimée Razanajay s'inquiète. «J'aurais dû acheter des sardines. Avec quoi vont-elles manger le pain ?» Cette petite Malgache énergique de 57 ans, cheveux courts et jupe longue, va régulièrement à la prison de Barbar Khazen, dans le quartier de Verdun, à l'ouest de Beyrouth, rendre visite aux domestiques étrangères incarcérées. Elles constituent une population remarquablement nombreuse dans les geôles libanaises : plus de 75% des 300 femmes détenues au Liban sont des migrantes. Derrière la vitre du parloir, elles sont trois : Minda et Cherie, Philippines, et Lisy, Malgache (1).
«De quoi avez-vous besoin ? demande Aimée.
- D’eau minérale. Et de culottes.
- Vous mangez bien ?
- On a de petites portions de riz…
- Quoi d’autre ?
- Je n’ai pas pu contacter ma famille. Le numéro est dans le carnet qui est dans ma valise, chez mes patrons.»
La visite s'achève. Lisy essuie ses larmes, Aimée promet de revenir. Elle sait la détresse de ces femmes, leurs conditions de vie à la lisière de la société libanaise, souvent à la merci de leur patron. Elle-même a quitté Antananarivo il y a quatorze ans, lorsque son agence de recrutement lui a annoncé qu