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Libération
Récit

Enfants volés : la dictature argentine finalement condamnée

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Avec une peine de cinquante ans de prison pour l’ex-dictateur Jorge Videla, la justice a dénoncé un système organisé. Une «adoptée» raconte.
Des membres d’associations de défense des droits de l’homme, jeudi, à Buenos Aires, devant un écran retransmettant le verdict. (PHOTO J.MABROMATA. AFP)
par Mathilde Guillaume, Correspondante à Buenos Aires
publié le 6 juillet 2012 à 20h46

Cinquante ans. La sentence tombe, coupante, définitive, historique. Jorge Rafael Videla, président de la junte militaire au pouvoir durant les années sombres de la dictature argentine, et dix de ses sbires ont été reconnus coupables de l’appropriation systématique de bébés. Seules quelques condamnations isolées avaient jusqu’à présent été prononcées. Seize ans après les premiers dossiers constitués et seize mois après l’ouverture du procès, le tribunal de Comodoro Py a reconnu, jeudi soir, l’existence d’un plan implacable qui a arraché près de 500 nouveau-nés à leurs familles, entre 1977 et 1983.

«Tête de rien». Nés en captivité de mères jugées subversives, ces enfants avaient été donnés en adoption à des proches de la junte pour y être élevés sous de fausses identités. A l'extérieur du tribunal, encore un peu hébétée, Laura Catalina de Sanctis Ovando ne semble pas voir les scènes de liesse autour d'elle et reste à l'écart des embrassades. Il y a trente-cinq ans, elle a été enlevée aux bras de sa mère, à l'hôpital militaire de Campo de Mayo, pour être élevée par un major de l'armée et sa femme. Son histoire est l'une des 35 qui ont été abordées durant ce long procès. «Je me souviens que, petite, je me regardais dans la glace et me répétais : "Tête de rien, tête de rien." Je ne ressemblais pas à mes supposés parents, et puis ma mère n'avait aucune photo d'elle enceinte de moi, j'ai toujours senti que quelque chose n'allait pas, mais c'était trop effrayant