Pierre Singaravélou, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne a codirigé l'Empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle (Belin). Avant les JO de Londres, le sport vu comme un soft power.
Comment les sports dits modernes se sont-ils propagés dans le monde ?
Les sports modernes - le golf, le cricket, le rugby, le football… - sont codifiés en Grande-Bretagne de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle. Par le biais des militaires et des marins britanniques, ces pratiques culturelles se développent ensuite inégalement, mais rapidement, dans l'ensemble des colonies britanniques sur les cinq continents. Enseignants et missionnaires européens font du sport un outil de promotion des valeurs morales - sens de l'effort et la loyauté - qui doivent transformer les «indigènes» en auxiliaires efficaces de la colonisation. Toutefois, le succès d'un sport dans un territoire ultramarin n'est durable que par les valeurs sociales qu'ont pu lui attribuer les populations autochtones. Le succès du cricket auprès des princes indiens s'explique par la compatibilité de ce sport avec la dignité aristocratique : dimension stratégique, respect des distinctions de classe, absence de contact direct avec l'adversaire et faible dépense physique. Les pratiques sportives ont souvent été adaptées ou réinventées par les populations locales à travers un processus d'«indigénisation». Ainsi, le football britannique - le kick and rush, qui se caractérise par un