Habituellement, la Syrie est une grande brûlure de soleil avec des ciels exagérément blancs de chaleur et des obscurités tranchantes. Cette fois, les photographies montrent plutôt des clairs-obscurs de souterrains, peuplés de fantômes gris au chevet d’ombres mortes ou agonisantes. Le soleil - qui plus est, un soleil d’hiver - est loin et glacé ; on dirait même qu’il se cache pour ne pas voir tous ces morts et blessés, toutes ces familles qui crient leur chagrin ou se rassemblent dans ces caves pour échapper aux incessants orages d’acier et partager le peu de nourriture qui leur parvient.
Pour une fois, les photographes, qui se sont rendus clandestinement en Syrie, montrent une guerre qui n’est pas tant celle des combattants que des civils. Car cette guerre, avant de devenir civile - et il n’est pas encore tout à fait sûr qu’elle le soit vraiment devenue -, a été pendant longtemps une guerre que le régime faisait aux civils et qu’il continue de faire. C’est donc exactement le contraire de la Libye de la révolution, où les photos nous accablaient souvent de combattants hâbleurs dans le désert, sous des ciels d’un bleu éclatant, faisant les fiers à bras avec des kalachnikovs brandies comme des rouleaux à pâtisserie.
Ici, le conflit est avant tout urbain, il se passe dans le cœur des villes que l’insurrection prend, perd, reprend. Les rebelles syriens sont fugitifs ; les populations, elles, sont arrimées à leurs quartiers. Ce sont elles qui sont les plus bombardées, elles qui paye