La moto zigzague entre les ornières et les caillasses de la ruelle qui mène au cimetière. Assis derrière le conducteur, un vieil homme se tient bras écartés, une pelle dans chaque main. Il vient de répondre à l'appel lancé samedi à l'aube par l'imam de la mosquée du village syrien d'Atmah, à 5 kilomètres de la frontière turque : «Que tous ceux qui n'ont pas d'arme aillent au cimetière et aident à creuser des tombes !» Un pick-up remonte la rue principale, suivi par une centaine de personnes. Il s'arrête devant les grilles ouvertes du cimetière. Des hommes soulèvent le cadavre déposé à l'arrière, le recouvrent d'un drap bleu et le portent à bout de bras. Derrière eux, une vingtaine d'habitants du village se relaient pour creuser des tombes dans la terre rougeâtre. Ils ne s'interrompent pas durant la courte prière. Le cadavre du jeune rebelle est enseveli en quelques minutes.
La guerre a frappé Atmah samedi. Depuis le début de la révolution syrienne, il y a presque un an et demi, en mars 2011, la bourgade de 8 000 habitants n'avait jamais été bombardée ni même attaquée. «Il n'y avait que six policiers avant le soulèvement. Ils se sont sauvés dès les premières manifestations», explique Shadi, âgé de 24 ans et qui étudie à Alep, la grande ville du nord de la Syrie. Aucun policier ou soldat n'ayant tenté de revenir, les rebelles d'Atmah sont partis se battre à travers le pays. En seize mois, six ont été tués dans le djebel Zawiya, un peu plus au sud, et à Damas,