C’est une morne plaine, très vaguement vallonnée, poussiéreuse l’été et boueuse le reste du temps. Au nord, un espace vide ou presque, qui s’achève sur des dunes plongeant vers la mer Noire. Au sud, le long de la mer de Marmara, poussent déjà de clinquants immeubles avec «vue panoramique», au milieu de baraques construites à tout-va.
Siliveri est une lointaine banlieue d’Istanbul. Si elle fait la «une», c’est surtout pour sa prison de haute sécurité, la plus importante du pays, avec ses salles d’audiences où défilent des hauts gradés accusés de complot contre le gouvernement islamiste ou des sympathisants de la cause kurde jugés pour terrorisme. Mais - si Dieu le veut - dans un peu plus de dix ans, des supertankers pourraient passer au milieu de ce que sont aujourd’hui des champs où broutent les moutons.
Le projet le plus dément ou le plus visionnaire
«Kanal Istanbul», une voie d'eau de 150 mètres de large et 40 mètres de profondeur, longue d'une cinquantaine de kilomètres, devrait doubler le Bosphore. Autour surgiraient des zones commerciales et industrielles. Des cités «écologiques» aussi, comme «Yeni Istanbul» (la Nouvelle Istanbul), avec de faux canaux vénitiens comme les adorent les nouvelles classes moyennes turques. Ce sera le troisième grand pôle de la mégalopole avec le troisième aéroport, déjà lancé, et un troisième pont sur le Bosphore, le plus au nord, dont les travaux vont bientôt démarrer. «Il y a une sorte de volonté mégalomaniaque de transformer la ville pour en faire une grande place du tourisme de croi