Le soir, quand commencent les séries télévisées turques à l’eau de rose sur les chaînes Prva, Pink et Happy, les rues de la capitale serbe et des petites villes de province se vident. Les familles s’agglutinent devant leurs téléviseurs. Ce phénomène avait déjà été observé en Bosnie, de confession musulmane, ou dans le monde arabe. Mais on ne s’attendait pas à le voir se développer à ce point dans la Serbie orthodoxe, où l’historiographie considère que l’occupation ottomane de cinq siècles a éloigné le pays des grands courants européens. Il y a vingt ans, les musulmans de Bosnie étaient même péjorativement traités de Turcs et impitoyablement harcelés, bombardés, voire massacrés au nom du refus de vivre ensemble.
Aujourd'hui, la religion n'est plus un obstacle à un regain d'intérêt pour la Turquie, où beaucoup de Serbes passent leurs vacances d'été depuis que l'Adriatique est devenue croate ou monténégrine. Les acteurs et actrices des séries télévisées turques sont devenus en quelques mois les favoris des Serbes. Le public s'identifie à ces hommes qui lui ressemblent avec leur air un rien débraillé, leurs cheveux un brin trop longs et leurs poils mal rasés - aux antipodes du style BCBG de la bourgeoisie européenne - ; et à ces femmes capiteuses, blondes peroxydées ou brunes inquiétantes. «Ils ont les mêmes meubles que nous, un peu trop massifs, un peu trop voyants, souligne une mère de famille. On se sent en terrain connu.» Familières aussi, ces relations fam