Ce militant d'ONG, pilier de l'association de défense des droits de l'homme d'Antioche, est encore sous le choc. «Nous n'avons pas pu organiser un meeting contre la guerre en Syrie à cause de l'Armée syrienne libre [ASL, ndlr]. Le directeur de la sûreté m'a dit qu'il ne pouvait pas assurer notre sécurité du fait des militants de cette armée qui vivent dans les camps de réfugiés tout au long de la frontière turco-syrienne», soupire Ilyas Oruç, qui se plaint aussi des discours du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan : «Le mot "nusayri" ["alaouite", ndlr] est presque devenu une insulte dans la bouche des autorités.»
Seize mois de répression et de guerre civile dans la Syrie voisine font des métastases de ce côté de la frontière, dans cet ancien sandjak («circonscription») d'Alexandrette. Placé sous protection française après la Première Guerre mondiale, il ne fut rattaché à la Turquie qu'en 1939, au grand dam de Damas qui continue à le revendiquer comme une partie intégrante de son territoire. A Antioche rebaptisée Antakya - ville cosmopolite où cohabitent catholiques, orthodoxes, maronites, juifs, arméniens, etc. -, la population musulmane est en majorité alaouite, comme la famille Al-Assad et le clan au pouvoir à Damas. Différents du reste des alévis de Turquie (minorité musulmane hétérodoxe représentant près d'un tiers de la population) mais, comme eux, proches du chiisme, ils vivent au rythme de ce qui se passe au-delà