Entre l'aéroport et le centre historique de Lisbonne, court l'avenue Fontes Pereira de Melo. Une grosse artère un peu moche, de celles que les touristes tombés de l'avion regardent à travers la vitre en espérant que le reste vaille davantage la peine. Notez bien l'adresse, car en fait de rue quelconque, cette avenue est au visiteur ce que le terrier du lapin blanc est à Alice : une porte d'entrée vers l'imaginaire. Ici, au niveau de la bouche du métro Picoas, cinq façades d'immeubles de quatre étages sont peintes à la bombe sur toute leur hauteur. Un crocodile verse une larme avant d'engloutir une sardine ; un roi du pétrole obèse boit la Terre à la paille. Ailleurs dans la ville : un poisson-clown croit reconnaître son père préhistorique, un cheval mal en point se cabre une dernière fois vers le ciel, etc. Jamais, depuis la révolution des œillets de 1974, les murs de Lisbonne n'avaient eu autant de choses à dire. De plus en plus nombreuses et monumentales, les œuvres de street art qu'on y découvre témoignent de la vitalité d'une ville souvent réduite à ses charmes de vieille fille en «o» (fado, castelo, azulejo) - quand elle n'est pas laissée pour morte par les pessimistes de la zone euro.
Cinq immeubles abandonnés pris d’assaut
«Lisbonne est aujourd'hui l'une des capitales européennes du street art au même titre que Berlin, Londres et Bristol», assure Laura Ramos. Cette ex-journaliste de 37 ans, devenue par la force de la crise téléopératrice, est aujourd'hui «l'œil» de l'art mural lisb