Chaque matin, sept jours sur sept, Biniam Simon quitte son modeste logement HLM de Longjumeau, dans la banlieue sud de Paris, pour prendre la direction du petit studio de Radio Erena, installé dans une rue paisible du XIIIe arrondissement de Paris. Après une bonne heure et demie de transport, il retrouve sur place son compatriote Amanuel Ghimaï Bhata, réfugié politique comme lui. A quelques années d’intervalle, les deux hommes ont fui la dictature dans leur pays natal, l’Erythrée. Aujourd’hui, ils vivent un nouveau cauchemar: le pouvoir d’Asmara est décidé à utiliser tous les moyens à sa disposition pour les empêcher d’exercer leur métier. Même à Paris.
Biniam, bientôt 40 ans, et Amanuel, 33 ans, sont journalistes. L’une des professions les plus dangereuses qui soient quand on vit en Erythrée. Ce petit Etat de la corne de l’Afrique, qui a arraché son indépendance de l’Ethiopie en 1993 à l’issue d’une guérilla de trente ans, est tenu d’une main de fer par le président Issaias Afeworki. Depuis plus de dix ans, plusieurs des confrères de Biniam et Amanuel, accusés d’avoir comploté contre le régime, sont incarcérés sans procès dans des lieux tenus secrets. La semaine dernière, l’association Reporters sans frontières (RSF) a révélé que trois d’entre eux étaient décédés dans le camp d’Eiraéro, dans le nord-est du pays. Depuis leur arrestation, personne ne les avait revus. Dans le classement de la liberté de la presse établi chaque année par RSF, l’Erythrée est bon dernier. La situa