Spécialiste reconnu du monde arabo-musulman, Gilles Kepel, professeur à Sciences-Po, auteur notamment du Prophète et du Pharaon (réédition Folio, 2012), analyse les protestations et les violences après la diffusion de la vidéo l'Innocence des musulmans.
Que signifient la nouvelle fatwa de l’Iran contre Salman Rushdie et les appels de son allié libanais, le Hezbollah, à manifester ?
Pour bien comprendre cette surenchère, il faut voir l’état des lieux aujourd’hui de ce que l’on a appelé le «printemps arabe». Il y eut dans un premier temps la chute des régimes despotiques comme en Tunisie et en Egypte sous la poussée d’aspirations démocratiques. Puis, dans un second temps, la prise de pouvoir dans ces pays, qui ont connu la révolution, de partis liés aux Frères musulmans ainsi qu’un accroissement de la visibilité politique des salafistes. Les uns et les autres rassurent les pétromonarchies du Golfe. Celles-ci voient dans ces bouleversements contemporains qui secouent le monde arabe une occasion de régler leur vieille querelle avec l’Iran pour le contrôle des hydrocarbures du golfe Arabo-Persique. Ce bras de fer se focalise d’un côté sur Bahreïn, où le mouvement démocratique d’une population en majorité chiite est réprimé par une monarchie sunnite soutenue par Riyad ; et de l’autre sur la révolution syrienne, où la chute du régime de Bachar al-Assad serait un coup très dur pour l’influence de Téhéran dans le monde arabe, et notamment de sa capacité à armer le Hezbollah.
Ce contexte explique l’attitude du régime iranien qui aujourd’hui, notamment à cause de la Syrie, a perdu son prestige dans