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Libération
TRIBUNE

Radicalisme et dépression

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Le monde arabe en ébullitiondossier
par Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Psychiatre franco-tunisienne
publié le 23 septembre 2012 à 19h06

La crise identitaire est au cœur des phénomènes douloureux que vivent les musulmans. Or, cette dimension du problème est rarement abordée sur le plan individuel. Cela permettrait pourtant une autre compréhension. Pour cela, revenons un peu en arrière. Comment ne pas se sentir personnellement concerné par l’image que le monde entier «leur» renvoie depuis la première guerre du Golfe ? Des générations entières ont grandi abreuvées de cette appréciation négative d’eux-mêmes. Depuis quelques décennies, rien de bien glorieux : «ils» font partie d’un groupe univoque intégrant l’«Axe du Mal», et ils sont malmenés par les médias d’attentats en guerres avec des moments d’humiliation suprême (Saddam exécuté le jour de l’Aïd el-Idha, par exemple). Il est évident que l’on ne peut sortir indemne de ce rouleau compresseur, le processus narcissique a été grippé, les idéaux sabotés, la culpabilité renforcée : on ne peut alors que déprimer.

Cela «les» touche collectivement, mais aussi individuellement. Ceux qui ont accès à l’introspection nous parlent de leur souffrance de se voir confondus avec des personnes dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas. Les autres, incapables de verbaliser, passent à l’acte de manière agressive. Les derniers événements nous donnent le sentiment que nous vivons l’acmé d’une crise qui frappe le monde entier. La dépression fragilise les individus et la faille narcissique qu’elle provoque laisse pénétrer les manipulateurs. Leur discours pervers met le doute dans l