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Libé des géographes

Le rideau de fer oriental de la frontière turco-syrienne

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Territoire disputé, guerre froide, conflit kurde… voisins sur plus de 800 kilomètres, les deux pays ont multiplié les sources de tensions.
par Fabrice Balanche, Directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo)
publié le 11 octobre 2012 à 21h36

La Turquie et la Syrie partagent une frontière de plus de 800 km qui s’étend de la Méditerranée au Tigre. A l’extrême ouest, le tracé est assez compliqué car il épouse le relief tourmenté des premiers contreforts de l’Amanus, mais rapidement il se contente de suivre la voie de chemin de fer du Bagdadbahn. Frontière contemporaine et non historique ou culturelle, encore moins «naturelle», elle est le produit des négociations entre la France, mandataire de la Syrie, et la Turquie kémaliste, au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Définie officiellement par le traité de Lausanne en 1923, la frontière turque fut repoussée plus au sud que ne le prévoyait celui de Sèvres, en 1920. La défaite militaire française face à l’armée de Mustafa Kemal prive Alep de son arrière-pays naturel (Mardin, Gaziantep et Ourfa) et provoque l’exode des populations chrétiennes de ces territoires, tandis que les rescapés arméniens du génocide perdent tout espoir de retour. En 1939, la cession par la France du sandjak (district) d’Alexandrette à la Turquie est un nouveau traumatisme pour les nationalistes syriens. Soixante-treize ans plus tard, Damas exige toujours la restitution de ce territoire, dont la population est majoritairement arabe et de confession alaouite.

Revirement. En raison du différend sur Alexandrette, la Syrie indépendante a quasi fermé sa frontière avec la Turquie, limitant les échanges au strict minimum. Dans les années 50, la guerre froide a envenimé les rapports