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Libé des géographes

Nuages sur le modèle turc

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La doctrine «zéro problème avec les voisins» de l’AKP, parti islamiste modéré au pouvoir, est un échec.
par Marcel Bazin, Professeur émérite à l’université de Reims et co-auteur, avec Stéphane de Tapia, de «la Turquie, géographie d’une puissance émergente», Armand Colin, 2012.
publié le 11 octobre 2012 à 20h46

Jusqu'à ces derniers mois, tout semblait sourire à la Turquie : performances économiques, affirmation politique d'un «modèle turc» proposé aux révolutions arabes. A partir de ses succès économiques, la Turquie a cherché à s'affirmer sur le plan politique. Le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan, qui se présente comme islamiste modéré, gouverne la république laïque depuis 2003. Le pays a élaboré une doctrine, formalisée par Ahmet Davutoglu, son ministre des Affaires étrangères, de «zéro problème avec les voisins».

C’est à partir de ces diverses facettes de l’activité, voire de l’activisme politique de la Turquie via l’AKP, qu’on a pu mettre en avant un «modèle turc» qui concilierait laïcité et appartenance au monde musulman, démocratisation politique et sociale et affirmation de puissance, le tout dans le cadre d’une ouverture internationale tous azimuts. Mais de graves difficultés s’accumulent pour menacer ces ambitions. L’illusion de pouvoir vivre sans problème avec les voisins a fait long feu. Il est vrai qu’il y avait, a priori, des sources de conflit possible avec tous les voisins, qui se réactivent à tour de rôle, sur les trois horizons vers lesquels la Turquie regardait : l’Europe, l’espace post-soviétique et le Moyen-Orient.

Pays candidat. La «faim d'Europe» s'est exprimée dès l'accord d'Ankara de 1963 qui faisait du pays un candidat potentiel au Marché commun, et même auparavant par l'entrée dans des institutio