On entend d’abord le plic- ploc de l’eau qui s’égoutte le long de la paroi rocheuse. Il faut cligner des yeux à plusieurs reprises avant d’apercevoir deux silhouettes allongées dans la pénombre. A l’extérieur, s’étend la forêt de Gourougou, près de Nador. Des milliers de sapins accrochés à la colline et une vue imprenable sur la mer Méditerranée et l’Espagne qui se trouve 4 kilomètres plus bas, sous la forme de la petite enclave de Melilla. Une forteresse grillagée en terre marocaine. Inaccessible. A l’intérieur de la grotte, une bâche en plastique et deux couvertures. Moussa, 28 ans, et Denis, 17 ans, tous deux Camerounais, sont étendus là depuis huit jours. Le premier a le tibia gauche fracturé enserré dans des bandages, le second a le genou défoncé, des points de suture à la main et au bras gauche. Tous deux sont catégoriques : ce sont les gardes-frontières marocains qui les ont frappés jusqu’à casser leurs os après qu’ils aient tenté d’escalader les barrières hautes de 7 mètres qui séparent le Maroc du résidu espagnol.
Grotte. «Ils m'ont frappé avec des barres de fer, des bâtons en bois, tout ce qui leur passait sous la main», raconte Denis. «Ils visent les pieds et les chevilles pour éviter qu'on recommence», renchérit Moussa qui a tenté trois fois déjà d'escalader ces clôtures. «Cette fois, ils m'ont jeté une pierre à la tête pour me faire tomber du grillage, puis ils ont frappé, frappé et le policier a promis de me tuer si je rev