L’odeur des grillades a depuis longtemps recouvert celle des pins. Des airs de musique s’échappent de chaque kiosque à pizza, chaque restaurant et chaque guérite de loueur de transats. De gigantesques panneaux, en anglais, en allemand, et surtout en russe, attirent les chalands. Tout l’été et même au début de l’automne, la petite station balnéaire monténégrine de Budva vibre comme une foire permanente. A quelques pas de là, la pittoresque vieille ville fortifiée résiste difficilement au sans-gêne des promoteurs immobiliers. Un hôtelier a entrepris de s’étendre aux dépens des remparts, un café huppé a privatisé le minuscule espace qui sépare le mur extérieur de la jetée. Coincé contre la falaise, le très chic hôtel Avala s’est paré d’une façade de verre sombre. Tout près de lui, le plus ancien hôtel de la région attend d’être démoli afin de laisser place à un édifice plus grand et plus haut. Casinos et boîtes de nuit attirent une foule bariolée où politiciens, hommes d’affaires et mafieux se côtoient.
Avec sa plage de plusieurs kilomètres, la perle du Monténégro était destinée à être un haut lieu du tourisme de luxe. Elle est devenue le paradigme des maux qui affectent un des derniers nés de l’éclatement yougoslave : corruption, blanchiment, clientélisme, imbrication entre mafias et institutions. Des phénomènes favorisés par le maintien aux commandes de ce micropays - grand comme deux départements français et moins peuplé que Marseille - de l’équipe qui le dirige depuis le déb