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Libération
grand angle

Comme un sang d’encre

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Le monde arabe en ébullitiondossier
Dans le journal horrifié qu’il tient sur la guerre civile qui déchire son pays, l’artiste syrien Mohamad Omran, réfugié à Paris, dénonce en noir sur blanc l’affrontement fratricide.
publié le 21 novembre 2012 à 20h16

C'est un mot arabe, un mot que nombre de spécialistes du Moyen-Orient ne connaissaient pas et qui a fait irruption avec la révolution syrienne : les chabbiha. Autrement dit : les «fantômes», les gros bras, les truands, devenus des tueurs à la faveur des événements actuels et regroupés en milices, en général financées par des hommes d'affaires proches du régime.

Ce sont eux qui, l'armée syrienne ayant très peu d'infanterie, sont souvent chargés de reprendre les quartiers aux rebelles. Mais ces chabbiha, dont la cruauté et la perversité dans les tortures sont sans limite, ne sont pas des combattants étrangers. Ce sont eux aussi des compatriotes, pas moins syriens que ceux qu'ils assassinent.

A travers ses dessins qui empruntent à l'absurde et au surréalisme, on voit que Mohamad Omran, réfugié à Paris, souffre de cette terrible vérité : le sang des tortionnaires et celui des martyrs est le même, l'un et l'autre sont les fils d'un même pays, d'un même peuple, complices d'une même histoire. «Même les pires chabbiha sont des Syriens. Et j'ai moi-même un cousin qui est de ceux-là», précise-t-il.

«J’exhibe la dictature»

C’est pourquoi l’œuvre de ce jeune sculpteur de 33 ans représente souvent le bourreau et sa victime avec le même corps. L’artiste, qui vient d’exposer à Paris à la galerie Europia, a choisi le dessin à l’encre et au feutre pour mieux coller à la réalité syrienne, lui donner la force du noir et blanc et la transcender.

Dans son œuvre, il s'interroge aussi sur la nature