C’est un après-midi ordinaire, mi-octobre, dans une ville sahélienne «gouvernée» depuis quelques mois par un nouveau pouvoir. Sur la place du marché de Tombouctou, des porteurs bousculent des passants. Des bouchers exposent leur viande sur des étals envahis par les mouches. Soudain, un convoi de véhicules surmontés d’armes lourdes traverse la place pour disparaître en direction de la sortie orientale de la ville.
Là, le convoi s'arrête et encercle une cuvette de sable mou, grande comme deux ou trois terrains de foot. En quelques minutes, une foule immense envahit les lieux. Puis une voix relayée par un haut-parleur s'adresse au public : «C'est la charia, c'est la loi d'Allah.» Encadré par trois ou quatre gardes, un homme au teint clair, au crâne dégarni et à la barbe fournie sort d'un tout-terrain qui vient d'arriver au milieu de la cuvette.
Il s'agit de Moussa Ag Mohamed, éleveur touareg de 40 ans, originaire de Goundam, petite ville située à 90 km au sud-ouest de Tombouctou. Ce père de quatre enfants est le premier condamné à mort dans le cadre de l'application de la charia par le mouvement Ansar Dine, un des groupes jihadistes qui, depuis huit mois, contrôlent le nord du Mali. Aidé par ses gardes, Moussa Ag Mohamed, pieds et mains liés, avance en titubant. On lui ôte ses liens. Le temps d'une dernière prière, l'homme se met à genoux. Venue de derrière, une balle lui traverse le torse. De puissants «Allah akbar» retentissent, tandis qu'un filet de sang coul