Le philosophe italien Benedetto Croce aimait à rappeler que «toute histoire digne de ce nom est contemporaine», soulignant que celle du passé proche, comme celle du passé lointain, s'écrit toujours au présent. Au-delà de cette évidence, la notion de «contemporanéité» qui a beaucoup varié au cours des siècles est en fait beaucoup plus complexe. «La particularité de l'histoire du temps présent est de s'intéresser à un présent qui est le sien propre, dans un contexte où le passé n'est ni achevé, ni révolu, où le sujet de son récit est un "encore là"», résume Henry Rousso dans un livre dense de réflexion sur l'histoire et la mémoire, en un temps où dans le débat public le passé proche est sans cesse mobilisé et reformulé selon les urgences du moment.
Barons. Historien connu notamment pour ses travaux sur Vichy, «ce passé qui ne passe pas», formule devenue fameuse (titre d'un ouvrage coécrit avec Eric Conan), Henry Rousso commence son propos en rapportant une discussion animée sur l'Occupation à l'Institut d'histoire du temps présent qui venait d'être créé. L'un des protagonistes s'exclama : «Vous n'avez pas connu cette période, vous ne pouvez pas comprendre.» Le «contemporéaniste» navigue entre deux préjugés antinomiques. L'un voudrait qu'une histoire sérieuse ne soit possible qu'avec du recul, d'où le mépris où fut longtemps tenue l'histoire contemporaine, vilipendée jusqu'aux années 70 par nombre de barons universitaires comm