En ce vendredi caniculaire de la mi-septembre, elle se rendit comme chaque semaine au parloir de la prison de Midyat, dans le sud-est du pays, pour voir sa fille. Cette fois-là, elle la trouva «un peu étrange». «Elle était pâle, amaigrie, et elle éludait toutes mes questions. Je n'ai appris qu'après qu'elle avait entamé sa grève de la faim, mais elle n'avait pas osé m'en parler de crainte que je pleure», raconte Süheyla Moray. Derya, 24 ans, étudiante en éducation physique, était dans le premier groupe de détenus politiques kurdes à avoir cessé de s'alimenter, se contentant d'eau sucrée ou salée et de vitamines B afin d'éviter d'irrémédiables lésions cérébrales.
Près de 700 autres détenus dans 67 prisons turques ont participé à cette grève de la faim «illimitée et sans rotation» d'une ampleur sans précédent. Elle s'est achevée le 18 novembre, après un appel lancé depuis l'île-prison d'Imrali par Abdullah Öcalan, le chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), organisation qui mène depuis 1984 une lutte armée contre Ankara, et que l'Union européenne et les Etats-Unis considèrent aussi comme terroriste. «L'action a atteint son objectif, je veux qu'ils y mettent fin sans tarder», a déclaré à son frère Mehmet le leader kurde arrêté en 1999, condamné à la prison à vie, et qui, depuis août 2011, ne pouvait plus voir ses avocats.
Le pire évité de justesse
La fin de cet isolement carcéral était la principale revendication des grévistes. Si, off